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"Tout à coup, vers le nord, du vaste horizon pur
Une rose lueur émerge dans l'azur
"

William Chapman

L'aurore boréale de William CHAPMAN

En 1904, le poète canadien William Chapman (1850-1917) se rend à Paris et publie le recueil Les aspirations, dans lequel on trouve un poème s’intitulant l’Aurore Boréale.

L'aurore boréale

 

La nuit d'hiver étend son aile diaphane
Sur l'immobilité morne de la savane
Qui regarde monter, dans le recueillement,
La lune, à l'horizon, comme un saint-sacrement.
L'azur du ciel est vif, et chaque étoile blonde
Brille à travers les fûts de la forêt profonde.
La rafale se tait, et les sapins glacés,
Comme des spectres blancs, penchent leurs fronts lassés
Sous le poids de la neige étincelant dans l'ombre.
La savane s'endort dans sa majesté sombre,
Pleine du saint émoi qui vient du firmament.
Dans l'espace nul bruit ne trouble, un seul moment,
Le transparent sommeil des gigantesques arbres
Dont les troncs sous le givre ont la pâleur des marbres.
Seul, le craquement sourd d'un bouleau qui se fend
Sous l'invincible effort du grand froid triomphant
Rompt d'instant en instant le solennel silence
Du désert qui poursuit sa rêverie immense.

Tout à coup, vers le nord, du vaste horizon pur
Une rose lueur émerge dans l'azur,
Et, fluide clavier dont les étranges touches
Battent de l'aile ainsi que des oiseaux farouches,
Eparpillant partout des diamants dans l'air,
Elle envahit le vague océan de l'éther.
Aussitôt ce clavier, zébré d'or et d'agate,
Se change en un rideau dont la blancheur éclate,
Dont les replis moelleux, aussi prompts que l'éclair,
Ondulent follement sur le firmament clair.
Quel est ce voile étrange, ou plutôt ce prodige ?

C'est le panorama que l'esprit du vertige
Déroule à l'infini de la mer et des cieux.
Sous le souffle effréné d'un vent mystérieux,
Dans un écroulement d'ombres et de lumières,
Le voile se déchire, et de larges rivières
De perles et d'onyx roulent dans le ciel bleu,
Et leurs flots, tout hachés de volutes de feu,
S'écrasent et, trouant les archipels d'opale,
Déferlent par-dessus une montagne pâle
De nuages pareils à des vaisseaux ancrés
Dans les immensités des golfes éthérés,
Et puis, rejaillissant sur des vapeurs compactes,
Inondent l'horizon de roses cataractes.
Le voile en un clin d'oeil se reforme plus beau,
Lové comme un serpent, flottant comme un drapeau.
Plus rapide cent fois qu'un jet pyrotechnique,
Il fait en pétillant un sabbat fantastique,
Et met en mouvement des milliers de soleils
A travers des brouillards transparents et vermeils
Comme cristallisés dans la plaine éthérée.
Quelquefois on dirait une écharpe nacrée
Qu'un groupe de houris secouerait en volant
Dans l'incommensurable espace étincelant ;
Tantôt on le prendrait pour le réseau de toiles
Que Prométhée étend pour saisir les étoiles,
Ou pour le tablier sans bornes dans lequel
Les anges vanneraient des roses sur le ciel.

Et la forêt regarde, enivrée, éblouie.
Se dérouler au loin cette scène inouïe ;
Et l'orignal, le mufle en avant, tout tremblant,
Les quatre pieds cloués sur un mamelon blanc,
L'oeil grand ouvert, au bord de la savane claire,
Fixe depuis longtemps l'auréole polaire
Poudroyant de ses feux le céleste plafond,
Et son extase fauve en deux larmes se fond. Â»

Nous retrouvons de nombreuses figures de style qui donnent vie à ce poème notamment des personnifications : au vers 8 « Penchent leurs fronts glacés », au vers 13 « le transparent sommeil des gigantesques arbres » ainsi qu’au vers 18 « du désert qui poursuit sa rêverie immense » et enfin au vers 57 « et la forêt regarde enivrée, éblouie ». Les comparaisons sont également présentes : au vers 4 « La lune, à l'horizon, comme un saint-sacrement », au vers 8 « Comme des spectres blancs », au vers 44 « Lové comme un serpent, flottant comme un drapeau » et enfin au vers 49 « Comme cristallisés dans la plaine éthérée Â». Les champs lexicaux des métaux précieux et de la couleur sont également très présents : pour les métaux précieux : « Or Â» (vers 25), « Agate Â» (vers 25), « Perles Â» (vers 35), « Onyx Â» (vers 35), « Opale Â» (vers 37) et « Nacrée Â» (vers 50). Pour la couleur : « Blonde Â» (vers 5), « Azur Â» (vers 5), « Blancs Â» (vers 8), « Rose Â» (vers 20), « Azur Â» (vers 20), « Blancheur Â» (vers 26), « Bleu Â» (vers 35), « Pâle Â» (vers 38), « Roses Â» (vers 42), « Nacrée Â» (vers 50), « Blanc Â» (vers 60). Nous retrouvons dans la première strophe une métaphore filée sur le thème de la forêt pendant la nuit. Enfin de la deuxième strophe jusqu’à la dernière nous pouvons observer une métaphore filée sur le thème des aurores boréales.

 

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