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"[...] la splendide aurore pâlissait, les rayons intenses se fondaient en lueurs pâles, vagues, indéterminées, indécises [...]"

Jules Verne

Période contemporaine et moderne

On retrouve au XIXème siècle de nombreuses œuvres ayant pour thématique les aurores polaires. Parmi celles-ci nous pouvons citer le roman de Jules Verne Le Pays des fourrures dont l’intrigue se déroule dans le Nord du Canada. On voit à plusieurs endroits du roman des mentions des aurores boréales : « Le ciel de cette contrée, c’est le ciel pur et froid de l’hiver, ciel tout constellé, qu’enflamme parfois l’éclat d’une aurore boréale. C’est ici le pays de la nuit, non celui du jour, madame, et cette longue nuit du pôle vous réserve des enchantements et des merveilles » (pages 49-50). Ainsi, nous pouvons relever une anaphore du mot « ciel » dans la première phrase ainsi qu’une hyperbole dans l’expression « qu’enflamme parfois l’éclat d’une aurore boréale ».

 

De plus, la première phrase est marquée d’une énumération et d’une gradation (« ciel de cette contrée », puis « ciel pur et froid », ensuite « ciel tout constellé » et enfin « enflamme »). Enfin, nous remarquons dans toute la citation une asyndète « le ciel pur et froid de l’hiver, ciel tout constellé » et « c’est ici le pays de la nuit, non celui du jour ». Toutes ces figures de style permettent à l’auteur d’insister sur sa dernière phrase « et cette longue nuit du pôle vous réserve des enchantements et des merveilles ».

 

Deux autres extraits de ce roman sont à relever : « Mais Jasper Hobson le consola en lui promettant avant peu de belles nuits froides, très-propices aux observations astronomiques, des aurores boréales, des halos, des parasélènes et autres phénomènes des contrées polaires, dignes de provoquer son admiration » (pages 149-150) et « Il n’avait plus apporté aucune attention à l’examen des phénomènes particuliers aux hautes latitudes, tels qu’aurores boréales, halos, parasélènes, etc. » (pages 327-328). Ici l’analyse est plus rapide puisque nous ne pouvons repérer que des énumérations permettant à l’auteur de situer l’action dans le grand Nord où il est possible d’observer de tels phénomènes.

 

Un autre roman de Jules Verne mentionne à de nombreuses reprises les aurores boréales. Il s’intitule Les Aventures du Capitaine Hatteras et a été publié en 1866. Nous pouvons relever l’extrait suivant : « Presque toutes les nuits, le docteur pouvait observer de magnifiques aurores boréales ; de quatre heures à huit heures du soir, le ciel se colorait légèrement dans le nord ; puis, cette coloration prenait la forme régulière d’une bordure jaune pâle, dont les extrémités semblaient s’arc-bouter sur le champ de glace. Peu à peu, la zone brillante s’élevait dans le ciel suivant le méridien magnétique, et apparaissait striée de bandes noirâtres ; des jets d’une matière lumineuse s’élançaient, s’allongeaient alors, diminuant ou forçant leur éclat ; le météore, arrivé à son zénith, se composait souvent de plusieurs arcs, qui se baignaient dans les ondes rouges, jaunes ou vertes de la lumière. C’était un éblouissement, un incomparable spectacle. Bientôt, les diverses courbes se réunissaient en un seul point, et formaient des couronnes boréales d’une opulence toute céleste. Enfin, les arcs se pressaient les uns contre les autres, la splendide aurore pâlissait, les rayons intenses se fondaient en lueurs pâles, vagues, indéterminées, indécises, et le merveilleux phénomène, affaibli, presque éteint, s’évanouissait insensiblement dans les nuages obscurcis du sud » (page 229). Nous pouvons y voir que Jules Verne fait une description de la formation de l’aurore à sa disparition. Les énumérations présentes dans ce texte nous permettent de nous imaginer le déroulement d’un phénomène auroral. Le nombre d’adjectifs nous permet de remarquer la présence d’hypotyposes dans ce texte, elles sont utilisées pour animée la description aux yeux du lecteur.

 

Deux autres extraits employant les mêmes figures de styles peuvent être cités : « On ne saurait comprendre la féerie d’un tel spectacle, sous les hautes latitudes, à moins de huit degrés du pôle ; les aurores boréales, entrevues dans les régions tempérées, n’en donnent aucune idée, même affaiblie ; il semble que la Providence ait voulu réserver à ces climats ses plus étonnantes merveilles » (page 230). Notons aussi « Enfin, de nos jours, on a prétendu qu’il existait aux pôles une immense ouverture, d’où se dégageait la lumière des aurores boréales, et par laquelle on pourrait pénétrer dans l’intérieur du globe ; puis, dans la sphère creuse, on imagina l’existence de deux planètes, Pluton et Proserpine, et un air lumineux par suite de la forte pression qu’il éprouvait » (page 531). Ainsi Jules Verne, avec ses descriptions permet au lecteur d’apprécier la beauté et la magie des aurores boréales.

 

En 1874, Gustave Flaubert (1821-1880) publie La Tentation de saint Antoine, un poème en prose. Yvan Leclerc, un des spécialistes de Flaubert publie en 2001 inventaire des œuvres utilisées par Flaubert pour écrire ses romans et poèmes. On trouve notamment dans cet inventaire le livre Kosmos écrit par Alexander von Humboldt qui traite notamment des aurores polaires (voir la partie II). On comprend que Kosmos est une des clés pour l’explication du poème de Flaubert. Dans une des lettres de Flaubert à l’un de ses amis il mentionne bien le nom de Humboldt : « Jolie phrase du père Humboldt dans une de ses lettres : “Notre renommée s’étend à mesure que notre imbécillité s’accroît” ».

 

Enfin, nous pouvons citer un extrait de Fleurs D’ennui de Pierre Loti (1850-1923) : « La plaine de glace s'étend de tous côtés à perte de vue. La lumière boréale embrase et colore superbement cette nuit et ce désert. A travers le cristal étincelant des glaçons qui nous entourent, les reflets d'en haut se décomposent en tant d'arcs-en-ciel, que nous croyons marcher au milieu d'un monde fait tout entier de gemmes précieuses. Au-dessus de nos têtes, les nuages qui planent sont d'un rouge sombre, d'une intense couleur de sang. Et de grands rayons pâles traversent le ciel comme des queues de comètes ; il y en a des milliers et des milliers, qui divergent tous d'une sorte de centre mystérieux, perdus au fond de l'immensité noire : le pôle magnétique. Des faisceaux, des gerbes de rayons, s'élancent et se déforment, reparaissent et puis s'éteignent. Cette étrange magnificence change et remue ».

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